Dans cette interview, Janhavi Dave, coordinatrice de HomeNet International, nous fait part des moments de fierté vécus par le mouvement des travailleuse·eur·s à domicile. Elle nous partage également ses points de vue à propos de la visibilité dans ce secteur.
Des moments de fierté, il y en a eu beaucoup dans le mouvement des travailleuse·eur·s à domicile au cours des 25 dernières années. L’adoption de la Convention de l’OIT sur le travail à domicile (C177), en 1996, a constitué un jalon important et une victoire pour nombre de travailleuse·eur·s à domicile qui, partout dans le monde, essayaient de faire front commun et prôner une politique dédiée dans leur propre pays, mais aussi une convention à l’échelle internationale.
WIEGO a vraiment soutenu la réalisation de cette convention, en élaborant des statistiques pour épauler le processus de plaidoyer au niveau mondial, ce qui a porté des fruits extraordinaires. D’après ce que j’entends dire aux sœurs, WIEGO a pris sa forme à la suite de cette étude et de l’adoption de la convention à la Conférence internationale du Travail. WIEGO a ainsi accompagné le mouvement des travailleuse·eur·s à domicile et en même temps, je crois, ce mouvement a semé les graines de WIEGO… Il existe donc une relation de très longue date.
Nous avons assisté, lors de la crise de la COVID-19, à l’expansion du secteur des travailleuse·eur·s à domicile, dans le nombre de personnes tout comme des régions et des secteurs où elles·ils travaillent. En 2019, une étude a révélé qu’il y a 260 millions de travailleuse·eur·s à domicile dans le monde. Et l’on parle à présent d’un quasi doublement de ce chiffre. Avant, c’étaient les travailleuse·eur·s à domicile dans un sens plus traditionnel qui étaient sur toutes les lèvres –les artisan·e·s ou les femmes qui brodent, cousent et fabriquent des paniers–, mais on parle aujourd’hui de travailleuse·eur·s à domicile dans tous les secteurs d’activité, y compris dans l’économie à la tâche, le télémarketing et le marketing en ligne. Il y a davantage de visibilité depuis le début de la pandémie et beaucoup de syndicats s’intéressent de plus en plus à se remettre à organiser les travailleuse·eur·s à domicile.
Au cours des 25 années à venir, le secteur des travailleuse·eur·s à domicile va connaître une expansion, mais je ne vois pas la visibilité suivre le même chemin. En effet, il est pratique pour les entreprises de pousser du travail à la maison afin de réduire leurs propres charges, surtout celles relevant de la protection sociale. Je vois donc le secteur se développer, mais de moins en moins de protection ou de droits du travail accordés aux travailleuse·eur·s à domicile. Il existe pourtant un signe encourageant dans l’intérêt grandissant porté par les syndicats. Je vois aussi beaucoup d’entre nous se donner la main et collaborer pour organiser les travailleuse·eur·s à domicile.
Une autre source de fierté éprouvée au cours des dernières décennies est le fait d’assister à la naissance d’organisations régionales de travailleuse·eur·s à domicile. À portée de main, d’excellents exemples très encourageants tels que l’Association des femmes indépendantes en Inde. SEWA a non seulement forgé le terme « travailleuse·eur·s à domicile », elle a aussi organisé ces travailleuse·eur·s aux quatre coins de l’Inde pour ensuite porter leur travail à d’autres syndicats internationaux.
HomeNet de l’Asie du Sud-Est a vu le jour en 1999 et HomeNet de l’Asie du Sud, en 2000. Ces deux organisations se sont peu à peu consolidées, avec plus d’affilié·e·s et davantage d’organisation chez les travailleuse·eur·s à domicile dans ces régions. À partir de 2010, on a assisté à une propagation de ce travail d’organisation dans le mouvement au-delà de l’Asie : vers l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, l’Afrique et l’Amérique latine. Ensuite, dès 2018, nous avons commencé à nous mettre en condition pour créer une organisation mondiale.
En février 2021, nous avons lancé HomeNet International, où WIEGO a joué un rôle majeur en facilitant notre formation. Et même à présent, dans les deux régions où des mouvements solides ne sont pas encore parvenus à prendre forme –en Afrique et en Amérique latine–, WIEGO épaule nos efforts d’organisation.
Quand on demande ce que veut dire faire partie de WIEGO, il faut presque dire que c’est comme appartenir à une famille : nous faisons partie de la même. Qu’il soit SEWA ou HomeNet de l’Asie du Sud-Est, ou maintenant HomeNet International, ou WIEGO, nous travaillons toutes et tous, main dans la main, dans le but de construire ce mouvement et de le faire progresser. Le partenariat que nous avons forgé –et le processus avec lequel nous l’avons construit– en est un très démocratique et jusque-là sans difficultés. Il sera un défi de répondre à la question : comment travailler ensemble, mais de manière indépendante ? Jusqu’ici, pourtant, la façon dont nous travaillons est un processus très organique.
- Ce texte a été modifié pour des raisons de brièveté. Dans le cadre des célébrations de notre 25e anniversaire, nous sommes en train de dresser le profil des membres institutionnels de WIEGO –syndicats, coopératives et associations de travailleuse·eur·s de l’informel– actifs au sein de WIEGO.