Vendeuse·eur·s de rue : Biens essentiels et besoins urgents

Photo : Feliciana Carcasi Luque vend de la nourriture au Mercado Modelo Pamplona à Lima, où certain·e·s vendeuse·eur·s de produits essentiels ont été autorisé·e·s à rester au travail. Photo de Juan Arredondo, Getty Images Reportage.
Photo : Feliciana Carcasi Luque vend de la nourriture au Mercado Modelo Pamplona à Lima, où certain·e·s vendeuse·eur·s de produits essentiels ont été autorisé·e·s à rester au travail. Photo de Juan Arredondo, Getty Images Reportage.

La pandémie s’ajoute aux défis des vendeuse·eur·s de l’informel

Les vendeuse·eur·s de rue, les commerçant·e·s de marché et les porteuse·eur·s de marché fournissent des biens et services essentiels, en particulier pour les personnes qui doivent acheter des produits de première nécessité en très petites quantités à des prix abordables. Les personnes qui vendent des aliments, qu'il s'agisse de produits frais ou préparés, constituent un élément essentiel des chaînes d’approvisionnement urbaines. Ces travailleuse·eur·s représentent la sécurité alimentaire pour un grand nombre de personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits dans les supermarchés modernes.

« La recherche montre sans équivoque que l’économie informelle est absolument essentielle à la sécurité alimentaire, en particulier dans les communautés à faible revenu. »

~Caroline Skinner, Directrice de la recherche urbaine de WIEGO, citée dans City Monitor

Dans cet entretien incontournable réalisé en avril 2020, Caroline Skinner explique l’urgence de débloquer le système alimentaire informel –« Le système fonctionne ! » – et demande aux pays de fournir de l’eau et des installations sanitaires et aux organismes d’application de cesser de harceler ces travailleuse·eur·s important·e·s. Et elle demande une aide directe au revenu.

Pendant l'isolement social obligatoire à Johannesburg, l'Institut des droits socio-économiques d'Afrique du Sud a représenté un groupe de commerçant·e·s qui étaient essentiellement « puni·e·s pour sa pauvreté ».

Pourquoi les vendeuse·eur·s de rue sont durement touché·e·s par la crise de la COVID-19

Les vendeuse·eur·s de rue, les commerçant·e·s et les porteuse·eur·s de marché gagnent leurs revenus dans des espaces publics, souvent bondés. Dans cette émission de Radio-France International, Dorcas Ansah, de l'équipe de WIEGO, coordinatrice des Villes focales à Accra, explique l’impossibilité de mettre en œuvre une distanciation physique lorsqu’il n’y a pas d’espace pour se déplacer.

Il est également impossible de se laver fréquemment les mains et de pratiquer d’autres mesures d’hygiène si l’infrastructure n’existe pas. Des recherches récentes montrent que de nombreuses personnes ont un accès insuffisant à l'eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Il est donc inutile de leur dire de se laver les mains si les autorités municipales ne leur en fournissent pas les moyens.

DIRECTIVES SANITAIRES SUR LA COVID-19
POUR LES COMMERCANT·E·S DE L’INFORMEL

Comme l'écrit Sally Roever, les vendeuse·eur·s de rue ont toujours été confronté·e·s à des réglementations sévères et à des mesures punitives de la part des autorités, y compris la confiscation des biens et des arrestations –mais maintenant, l’imposition de de mesures d'isolement social obligatoire aux niveaux local et national pour contenir la propagation de la COVID-19 menace non seulement les moyens de subsistance, mais aussi la survie même des vendeuse·eur·s de l'informel et de leurs familles dans certains endroits–.

Les gouvernements locaux et nationaux doivent trouver des moyens de répondre aux besoins financiers et sanitaires urgents de ces travailleuse·eur·s. La meilleure façon de trouver des moyens pratiques et appropriées est que les décideuse·eur·s travaillent avec les organisations, associations et coopératives vendeuse·eur·s de rue. Ces groupes de base connaissent mieux que personne ce qui est nécessaire.

L'impact sur les vendeuse·eur·s et les réponses dans certains pays

Pérou

Le 16 mars, le pays tout entier a été mis en isolement social obligatoire pendant un mois, avec moins de 150 cas enregistrés à l’époque. Le gouvernement a annoncé qu’une subvention unique en espèces de 110 USD (380 soles) serait accordée aux familles vulnérables et, le 26 mars, il l’a étendue aux travailleuse·eur·s de l’informel. Toutefois, on craint que la grande majorité des vendeuse·eur·s ne soient pas inscrit·e·s pour recevoir cette subvention.

Le gouvernement a promis une subvention en espèces plus importante pour les travailleuse·eur·s pour compte-propre, ce qui comprend la plupart des vendeuse·eur·s, mais cela ne s’est pas encore concrétisé. L'isolement social obligatoire devrait durer jusqu’en juin, ce qui laissera plusieurs personnes dans une situation économique désespérée.

Au début du mois de mars, des vendeuse·eur·s de rue de Lima ont été interviewé·e·s sur les conséquences d'une quarantaine sur leurs moyens de subsistance.

Celles·ceux qui sont essentiel·le·s à la chaîne alimentaire ont été déclaré·e·s travailleuse·eur·s essentiel·le·s et continuent de travailler. Cependant, bien que leur association ait fourni des masques avec leurs propres fonds, elles·ils ont besoin d’avoir accès à plus de stations de lavage des mains et de recevoir des gants et des masques ; elles·ils négocient avec le gouvernement pour avoir accès à des tests et à des équipements de protection. Beaucoup de porteuse·eur·s ne viennent pas travailler par manque de protection ; les réseaux de distribution locaux en sont déjà touchés.

Mais dans toute l’Amérique Latine et en particulier au Pérou, l’augmentation des infections et de la peur ont conduit à la stigmatisation des vendeuse·eur·s de marché et de rue de l’informel, qui fournissent des aliments essentiels... –et qui travaillent dur pour assurer leur propre sécurité et celle du public.

Les vendeuse·eur·s de journaux (canillitas) ont le soutien de la police nationale pour aller travailler en tant que fournisseuse·eur·s d'un service essentiel, mais beaucoup d’entre elles·eux restent à la maison par manque d’équipement de protection. Les centres de distribution, constatant une réduction du volume des ventes de papier, ont commencé à distribuer des équipements de protection aux canillitas. Rencontrez les canillitas et connaissez leurs défis dans ce blog : Les travailleuse·eur·s de l’informel sur le front de la COVID-19 : Fournir des services essentiels sans protection ni rémunération adéquates (7 avril).

Fin avril, les associations des travailleuse·eur·s de l’informel de Lima ont lancé une campagne pour mettre en évidence les répercussions de la crise de la COVID-19, partager des informations et s’assurer que les autorités entendent leurs demandes. Elles soulignent qu’elles veulent faire partie de la solution pour vaincre le virus et veulent suivre les mesures recommandées par le gouvernement –mais elles ont besoin de revenus et de protections sociales pour survivre–. Lisez la suite dans le blog de WIEGO : Comment les vendeuse·eur·s de rue péruvien·ne·s font-elles·ils face à la COVID-19 ?

Ghana 

Les vendeuse·eur·s de rue souffraient déjà d'une baisse de la demande des client·e·s qui avaient peur de s'approvisionner chez elles·eux par crainte de la contagion. Il y a eu une brève poussée des ventes après l’annonce de la mise en place de la quarantaine en mars, le public se précipitant pour acheter de la nourriture. Désormais, seules les personnes vendant des fruits et légumes frais sont autorisées à travailler. Certaines d'entre elles ont été empêchées de vendre parce qu’elles n’avaient pas de cartes d’identité prouvant qu’elles vendaient de la nourriture.

Les vendeuse·eur·s qui continuent à travailler signalent une pénurie de désinfectants pour les mains et d’eau sur les marchés.

La plupart des kayayei (porteuse·eur·s de têtes de marché) sont maintenant sans emploi. À la suite de l’interdiction, de nombreuses·eux kayayei ont tenté de retourner dans les zones rurales du nord, d’où elles·ils viennent. Au moins certains de leurs moyens de transport ont été appréhendés et refoulés.

Dans cet article de Radio France International, Dorcas Ansah, coordinatrice de la Ville Focale d’Accra, et des vendeuse·eur·s locales·aux ont expliqué les défis dans les marchés bondés d’Accra alors que les autorités tentent d’imposer des conditions irréalisables.

Inde

Le 24 mars, un isolement social obligatoire complet en et soudain de l'Inde a plongé le pays dans le chaos et déclenché une crise humanitaire. Les marchés informels et les distributeurs automatiques de produits ont été fermés et les marchés en gros n’ont été disponibles que pendant quelques heures, et le transport a été perturbé. En quelques jours, l'Association des Femmes Indépendantes (SEWA) travaillait avec la Société municipale d’Ahmedabad pour aider à assurer la chaîne alimentaire. Comme Marty Chen l’explique dans un blog de WIEGO, « Légumes sur roues » a commencé à livrer des légumes frais et du lait dans les quartiers en couvre-feux de la ville à l’aide de pousse-pousse électriques. L’initiative rassemble des vendeuse·eur·s d’aliments de l’informel et des chauffeuse·eur·s de transport de l’informel pour fournir un service essentiel de sécurité alimentaire.

Afrique du Sud

Dans une lettre ouverte au gouvernement sud-africain quelques jours avant que le pays impose un isolement social obligatoire au niveau national, Rosheda Muller, présidente de l’Alliance des commerçant·e·s informel·le·s en Afrique du Sud (SAITA), a déclaré : « Tout arrêt ou suspension du commerce serait catastrophique pour les moyens de subsistance de milliers et de milliers de travailleuse·eur·s de l’informel et de leurs familles. »

Après SAITA, WIEGO et d’autres ont préconisé que le gouvernement inclue les vedeuse·eur·s de l'informel dans le Règlement sur la gestion des catastrophes, les magasins spaza et les commerçant·e·s d’aliments de l'informel ont reçu la permission d’opérer en tant que fournisseuse·eur·s de services essentiels –si elles·ils avaient une autorisation municipale–. Lorsque les municipalités se sont montrées réticentes, affirmant qu'ils étaient fermés, le gouvernement leur a demandé d’ouvrir (encore une fois, un résultat du plaidoyer) et de s’assurer que les commerçant·e·s pouvaient faire le travail essentiel pour mettre à disposition la nourriture et les articles de base nécessaires.

À Durban, Asiye eTafuleni (AeT), partenaire de WIEGO, travaille avec des professionnel·le·s de la santé et WIEGO à Durban, en Afrique du Sud, pour développer des interventions visant à soutenir les travailleuse·eur·s de l’informel afin d’éviter la transmission de la COVID-19. Des masques de protection ont été fabriqués à Warwick Junction (un grand marché informel où travaille AeT). « Après l'isolement social obligatoire, l’Afrique du Sud ne va pas simplement revenir à la vie « normale », écrit Sarah Heneck de l’AeT. « Si l’économie informelle n’est pas soutenue, il y aura des conséquences dévastatrices pour d’innombrables personnes vivant dans ce pays, plus viscéralement en termes de sécurité alimentaire. »

États-Unis 

Les organisations des vendeuse·eur·s de rue de partout aux États-Unis ont créé une plate-forme de revendications. Elle se concentre sur leurs besoins socio-économiques immédiats et vise une économie juste qui reconnaît la valeur des vendeuse·eur·s de rue et les contributions de leurs entreprises. La coalition, qui implique des vendeuse·eur·s de Chicago, New York, Los Angeles et Washington DC, a lancé l’Agenda national pour la justice des vendeuse·eur·s de rue le 13 mai lors d’un événement Facebook en direct.

Avant même que le virus ne fasse son apparition tragique à New York, le Street Vendor Project a détaillé les besoins immédiats des vendeuse·eur·s de rue et les demandes plus larges en matière de santé et de sécurité des collectivités de première ligne. Fin mars, elles·ils ont lancé une campagne d’urgence, la campagne GoFundMe pour leurs membres.

Au début du mois de mars à Portland, Oregon, sur la côte ouest, qui a été frappé en premier par le virus, des vendeuse·eur·s de journaux de l'informel ont été payé·e·s pour distribuer des informations et des trousses d’hygiène pour les gens qui vivent dans la rue.

Thaïlande

À Bangkok, où les vendeuse·eur·s de rue se battaient déjà contre les expulsions massives, les revenus ont chuté jusqu’à 80 % en raison d’un isolement social obligatoire partiel qui a commencé à la mi-Mars, selon Poonsap Tulaphan, directrice de HomeNet Thaïlande. « Les vendeuse·eur·s d’aliments de rue sont toujours en mesure de vendre des aliments à emporter, mais il y a moins de client·e·s », a-t-elle dit à Reuters dans cet article. « De plus, les prix des produits de base sont beaucoup plus élevés, mais elles·ils ne peuvent pas augmenter les prix. »

Selon l’enquête sur la main-d’œuvre en Thaïlande de 2017, il y avait près de 144 000 vendeuse·eur·s de rue à Bangkok, et la grande majorité d’entre elles·eux vendent de la nourriture.

Turquie

La Global Street Economy Platform (Plateforme mondiale de l'économie de rue) a produit une brochure qui offre des faits et des chiffres sur l’économie informelle en Turquie, et explique pourquoi celles·ceux qui travaillent dans des lieux publics devraient être traité·e·s non pas comme un problème, mais comme faisant partie de la solution dans des crises comme celle de la COVID-19.

Zimbabwe

À la fin du mois de mars, le Zimbabwe a instauré un isolement social obligatoire de trois semaines qui a fermé les marchés publics et arrêté le commerce informel, laissant la forte proportion de travailleuse·eur·s de l’informel du pays sans accès à des revenus. Bien que le gouvernement ait annoncé un petit paiement unique en espèces pour les particulière·er·s au début d’avril, les commerçant·e·s n’avaient guère d’autre choix que de travailler en défiant désespérément l'isolement social obligatoire.

Dans de nombreux endroits, les autorités locales ont réagi en détruisant les étals des vendeuse·eur·s et en arrêtant à grande échelle les travailleuse·eur·s démuni·e·s, un comportement que la Chambre zimbabwéenne des associations de l’économie informelle (ZCIEA) a qualifié d'« horrible, inhumain et impitoyable ».

En tant qu’organisation qui travaille avec et représente les travailleuse·eur·s de l’économie informelle dans 42 territoires du Zimbabwe, la ZCIEA considère cette action comme une forme silencieuse de harcèlement et de torture de citoyen·ne·s innocent·e·s qui font du commerce informel pour survivre.

L'isolement social obligatoirea été prolongé de plusieurs mois. Les entretiens menés par les médias en mai avec des commerçant·e·s de l'informel ont révélé que plusieurs luttaient pour survivre.

Le 11 juin, le président du Zimbabwe a annoncé que les entreprises du secteur informel pourraient fonctionner à la condition qu’elles soient enregistrées auprès des autorités locales dans le cadre des efforts du gouvernement pour formaliser ces activités.

Dans un communiqué de presse, la ZCIEA a félicité le gouvernement d’avoir rouvert la porte aux moyens de subsistance, mais a noté que « L' ENREGISTREMENT auquel le président a fait référence n’est pas un processus qui se fait du jour au lendemain et qu'il comporte différentes catégories de conformité et de rémunération en fonction de la ligne de commerce dans laquelle on est impliqué... Nous espérons que les différentes autorités locales seront en mesure de définir ce processus avec une compréhension facile et accessible pour chaque personne ciblée. »

Le syndicat de vendeuse·eur·s, qui compte des membres à travers le pays, a distribué des EPI aux commerçant·e·s pour qu’elles·ils puissent travailler en toute sécurité.

Informal Economy Topic
Language