Travailleuses et travailleurs de l’informel fêtent l’approbation d’une nouvelle convention internationale concernant l’élimination de la violence et du harcèlement

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Leslie Vryenhoek

par Leslie Vryenhoek avec Karin Pape et Rachel Moussié

La Conférence internationale du Travail (CIT) a voté pour l’adoption de la Convention 190 concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail (C190). Cela constitue une victoire importante pour les travailleurs de l’informel – notamment femmes –dont les organisations ont lutté inlassablement pour garantir que cette Convention réponde aux réalités de certains travailleurs les plus vulnérables du monde.

La plupart des travailleurs et travailleuses du monde ne travaillent ni dans des bureaux ni dans des usines. Ils travaillent chez des particuliers ou dans des espaces publics tels que rues et décharges. Ils sont des travailleurs domestiques, travailleurs à domicile, vendeurs de rue, recycleurs et d’autres travailleurs de l’informel. 

Dans leurs travaux quotidiens, ils sont vulnérables à de multiples formes de harcèlement et de violence et manquent souvent des outils pour se protéger eux-mêmes ou pour demander justice. Les femmes travailleuses de l’informel sont particulièrement vulnérables et font face à des formes de violence physique, sexuelle et psychologique fondées sur le genre.

Dans leurs travaux quotidiens, ils sont vulnérables à de multiples formes de harcèlement et de violence et manquent souvent des outils pour se protéger eux-mêmes ou pour demander justice.

Pendant les dernières deux semaines, des représentants des travailleurs et travailleuses de l’informel ont fait entendre leur voix à la CIT à Genève en exposant leurs défis et demandes. Grâce à l’approbation de la C190 (avec 439 votes pour, 7 contre et 30 abstentions), « le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement » a été établi comme un nouveau droit de travail auquel on peut avoir recours pour protéger les travailleurs de l’informel à l’échelle mondiale. 

Lire la note d’information de WIEGO concernant la CIT 2018 : Violence et travail informel.

Après une lutte acharnée, travailleuses et travailleurs de l’informel réalisent des avancées

Workers celebrate C190

Informal workers celebrate the new labour convention, C190, to help protect them from violence and harassment at the workplace. Photo: Sofia Trevino

D’après Sally Roever, la coordinatrice internationale de WIEGO, cette convention comporte de nombreuses conquêtes pour les travailleuses et travailleurs de l’informel, qui représentent 61 pour cent de la population active dans le monde

« Cette convention prévoit une définition large du “monde du travail” incluant ceux et celles qui travaillent dépourvues de contrat formel. De plus, elle comprend une définition large de “endroit de travail” qui englobe, par exemple, les espaces publics et privés, ainsi qu’une définition large de la violence et du harcèlement, de manière à ce qu’ils peuvent être conçus comme faisant partie d’un continuum », expliqua Roever. « Ce document montre la réalité du travail telle qu’elle est dans le monde, et non seulement comme une partie de l’économie du travail ».

Ce sont des points critiques pour le deux milliards de personnes qui gagnent leur vie hors les accords de travail officiels.

« Ce document montre la réalité du travail telle qu’elle est dans le monde, et non seulement comme une partie de l’économie du travail ». — Sally Roever, WIEGO International Coordinator

Sonia George, de l’Association des femmes autoemployées (SEWA, pour son sigle en anglais), membre de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) a agi en tant que déléguée de WIEGO à la CIT. Elle a parlé à propos de la complexité de la vie du travail de nombreuses femmes pauvres : très fréquemment, le matin, elles prennent en charge le foyer et les soins des enfants de quelqu’un d’autre, l’après-midi, elles confectionnent des vêtements au sein de la chaîne d’approvisionnement mondiale et puis préparent des repas pour vendre dans la rue, tout cela pour pouvoir vivre décemment. 

Voir l’intervention de Sonia George, représentant SEWA et WIEGO à la CIT.

Dans toutes ces fonctions, les travailleuses et travailleurs de l’informel n’ont pas d’employeur formel ni de lieu de travail traditionnel – expliqua-t-elle – mais demeurent toujours vulnérables à la violence et au harcèlement. « Il existe une grande inégalité de pouvoir dans le monde du travail » dit George à la CIT. « La violence systémique entraîne des risques pour les travailleurs et travailleuses, notamment pour les groupes marginalisés qui travaillent dans l’informel ».

« La violence systémique entraîne des risques pour les travailleurs et travailleuses, notamment pour les groupes marginalisés qui travaillent dans l’informel ». — Sonia George, SEWA

Elle a remarqué de multiples formes d’inégalité fondées sur le genre, classe, ethnie, âge, statut migratoire. D’après elle, les politiques de régulation doivent prendre en compte tous ces éléments.

Reconnaître la responsabilité des autorités publiques

Women Street Vendors Face Harassment

Women street vendors face harassment and even violence, especially when working after dark. Pictured here is Iris Lamiorkor, who runs a snack stand in Accra, Ghana. Photo: Jonathan Torgovnik/Getty Images Reportage

La délégation de WIEGO était composée aussi par des représentants des vendeurs de rue et des récupérateurs. Lorraine Sibanda, la présidente de StreetNet International, a affirmé que ceux qui travaillent dans des espaces publics ont peu de protection contre la violence et le harcèlement. Les agresseurs peuvent être des criminels – ou, parfois, les autorités locales. En tout cas, les travailleuses et travailleurs de l’informel affirment que la police ignore souvent leurs plaintes.

Parmi les abus commis par les autorités locales, on peut compter des expulsions brutales, confiscations de biens, arrêts et rackets.

« Les vendeurs de rue et les travailleurs de l’informel qui travaillent dans des espaces publics subissent des violences physiques, morales et sexuelles » affirme Sibanda. Parmi les abus commis par les autorités locales, on peut compter des expulsions brutales, confiscations de biens, arrêts et rackets.

Voir l’exposition de Lorraine Sibanda, presidente de StreetNet International à la CIT.

Des représentants de StreetNet, SEWA et d’organisations de recycleuses et recycleurs ont proposé avec succès d’inclure dans le texte de la convention des références aux autorités publiques ainsi qu’à la responsabilité générale de l’État de veiller à une correcte mise en œuvre de la convention. Cela implique protéger les travailleuses et travailleurs et respecter la procédure prévue.

Cette nouvelle convention établit des mesures dont les gouvernements, les employeurs et les organisations de travailleurs peuvent se servir pour aider les personnes ayant subi des violences.

Ce paragraphe reconnaît l’importance des gouvernements dans tous les niveaux, y compris le niveau local, et grâce à lui, les autorités peuvent être tenues responsables des mesures prises par les gouvernements fédéraux.

Un droit du travail essentiel pour les travailleuses domestiques

Les travailleuses domestiques pourront aussi tirer profit de la C190, car elle conçoit l’« espace privé » comme un lieu de travail. En général, les réglementations destinées à la protection des travailleurs ne tiennent pas compte des domiciles privés, où les travailleuses domestiques subissent fréquemment de diverses formes de violence fondées sur le genre, dûes aux inégalités des relations de pouvoir qui caractérisent leur relation de travail.

L’impact de la violence domestique dans le monde du travail

La C190 prend aussi en considération l’impact de la violence domestique sur les travailleurs – notamment les travailleuses – et leurs moyens de subsistance. Cette nouvelle convention établit des mesures dont les gouvernements, les employeurs et les organisations de travailleurs peuvent se servir pour aider les personnes ayant subi des violences.

Un important premier pas

Sally Roever souligne qu’un grand nombre de ces gains sont le résultat du travail assidu et ciblé et de la puissance des voix des femmes travailleuses de l’informel, ainsi que de leurs organisations et réseaux.

Les conventions de la CIT sont des catalyseurs fondamentaux du changement – mais ce n’est qu’un début. Désormais, les organisations de travailleuses et travailleurs commenceront le travail ardu de s’organiser et promouvoir la ratification et la mise en œuvre de la C190 dans leurs pays, de manière à ce que les lois nationales, les politiques et les pratiques protègent toutes et tous les travailleurs du monde.

En lire plus :

Documents exposant la position du réseaux de travailleuses et travailleurs de l’informel

 

Première photo: Juan Arredondo/Getty Images Reportage

 

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