Coura Ndiaye, une dirigeante des récupératrice·eur·s de déchets à Dakar, au Sénégal

Coura Ndiaye, a leader of Bokk Diom, washing bottles at the Mbeubeuss dump in Dakar, Senegal in January 2017

Coura Ndiaye ou « mère Coura », comme on l’appelle par respect pour son âge et pour le nombre d’années travaillées comme récupératrice de déchets, est une dirigeante émérite des récupératrice·eur·s de la décharge de Mbeubeuss, située à 30 km de Dakar. Depuis l’an 2 000, Coura est membre, puis devenue leader, de l’Association des récupératrice·eur·s de déchets de Mbeubeuss, connue sous le nom de Bokk Diom. Elle croit fermement à l’importance de s’organiser – les femmes en particulier – afin de défendre les moyens de subsistance des récupératrice·eur·s et d’améliorer leurs conditions de travail.

Comme beaucoup de femmes à Mbeubeuss, elle a trouvé, dans la collecte des matières recyclables, un moyen de subvenir aux multiples besoins de sa famille. Mais aujourd'hui, cela devient de plus en plus difficile à cause de la pandémie de la COVID-19.


« Les revenus ont complètement diminué ou disparu pour certain·e·s d’entre nous. Et si je vous dis que, même lorsque nous travaillons, il est difficile de payer des ordonnances de 3 000 CFA (5 $ USD). Si cela vous surprend, alors imaginez ce que c’est de couvrir nos frais fixes [tels que] le loyer, l’électricité, l’eau, les frais de scolarité ».


Même si la décharge de Mbeubeuss n’a pas fermé, les mesures sanitaires ont modifié sa chaîne de recyclage. « Pendant cette période de pandémie-là, les travailleuse·eur·s pouvaient passer toute la journée à la décharge et repartir les poches vides ou avec de la petite monnaie. Souvent, les acheteuse·eur·s n’avaient pas d’argent pour acquérir nos déchets. Les employeuse·eur·s ont réduit leur personnel. Et nos économies ont été brûlées pendant les épreuves qu’a imposées la première période de la pandémie. »

Vue l’ampleur de la pandémie, mère Coura signale des inquiétudes grandissantes pour les moyens de subsistance des travailleuse·eur·s. Parmi ces préoccupations, la restructuration de la décharge, menée par l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (UCG), a un impact sur les conditions de travail et la sécurité des récupératrices de déchets. « Par exemple, la route construite pour accéder à la plateforme est la cause des inondations. Comme elle est surélevée, s’il pleut, l’eau coule directement sur nous. »

La fermeture envisagée de Mbeubeuss, faisant partie du programme du gouvernement sénégalais visant à améliorer la gestion des déchets solides (PROMOGED), constitue – de loin – la plus grande menace.


« Si l’UCG et le PROMOGED persistent dans leur position, ce serait notre fin. »


Malgré l’éventuel déplacement et perte de revenus des récupératrice·eur·s de déchets, le gouvernement refuse de les inclure dans le projet de gestion des déchets solides ou, au minimum, de garantir leurs moyens de subsistance.

Afin de relever ces défis et de répondre aux besoins en matière de plaidoyer, il faut que l’association devienne plus forte et qu’elle améliore les stratégies de communication entre les leaders et les membres – dit mère Coura –.

Mais elle souligne également la nécessité de compter sur l’appui du gouvernement. « Je pense que les récupératrice·eur·s de déchets ont simplement besoin de l’UCG pour améliorer leurs conditions de travail à la décharge. C’est pour cela que les récupératrice·eur·s demandent que leur travail soit plus rentable. »


« L'État devrait nous aider et non l’inverse. Nous sommes les premier·ère·s dans cette décharge et nous sommes les plus légitimes à en bénéficier. »


* Ce récit est basé sur un entretien mené avec Coura lors de la 2ème phase de l'Étude sur la crise de la COVID-19 et l'économie informelle de WIEGO. Il est publié avec le consentement de la Coura.


Photo en haut : Coura Ndiaye, une dirigeante de Bokk Diom, en train de laver des bouteilles à la décharge de Mbeubeuss à Dakar, au Sénégal, en janvier 2017. Crédit : Vanessa Pillay
Region
Language