La création de HomeNet International

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Home-based workers in Tiruppur
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WIEGO s'est entretenu avec Chris Bonner et Janhavi Dave à propos de HomeNet International (HNI), un réseau mondial de travailleuse·eur·s à domicile. Elles nous retracent les défis de sa création, ses objectifs actuels et l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur ce processus engagé. Conseillère auprès du programme d’Organisation et Représentation chez WIEGO, Chris fait également partie du Groupe de Travail de HomeNet International. Janhavi Dave, pour sa part, tient la coordination internationale de HNI.

HomeNet International a été lancé en février 2021. Comment l'idée d’un réseau mondial de travailleuse·eur·s à domicile a-t-elle germé ?

Chris Bonner

Elle a vu le jour au début des années 1990, lorsque la question d'une convention pour les travailleuse·eur·s à domicile s’est inscrite dans les travaux de la Conférence internationale du Travail. Les premières tentatives de création d’un réseau mondial ont cependant échoué et l’accent s’est alors déplacé sur la construction de deux réseaux régionaux, HomeNet de l’Asie du Sud et HomeNet de l’Asie du Sud-Est. WIEGO y a joué un rôle de soutien, sachant que sa création date de 1997.

À partir de 2010 environ, à la suite du financement supplémentaire, WIEGO s’est investi dans d'autres régions afin de soutenir des organisations de travailleuse·eur·s à domicile : d'abord en Europe de l'Est, où nous avions déjà quelques liens qui ont abouti à l’établissement d’un réseau régional, puis en Amérique latine et en Afrique. WIEGO y a accompagné, au fil des années, le recensement des organisations de travailleuse·eur·s à domicile, agissant en concertation avec elles pour s’organiser et pour renforcer leurs capacités. Nous avons constaté qu’il n'y avait pas vraiment d'organisations de travailleuse·eur·s à domicile dans ces régions ou qu’elles se présentaient sous des formes différentes là où elles existaient – en tant que composante d’un syndicat, d'un groupe de femmes ou d'un groupe d'entraide –. Ces organisations ne s’identifiaient pas en tant que travailleuse·eur·s à domicile ; elles ne se considéraient pas comme telles.

On discutait parallèlement de la création d'un réseau mondial. Les opinions se sont partagées entre les personnes qui considéraient le nombre d’organisations sur le terrain insuffisant pour créer un réseau d’une telle ampleur, et celles qui préconisaient de poursuivre dans cette voie pour que les choses suivent leur cours. C’est ainsi que, réunis à Stockholm en 2018, des représentant·e·s de cinq régions ont décidé à l'unanimité de prendre des mesures concrètes pour mettre en place HomeNet International, convenant d’un vaste processus de consultation démocratique et d'un délai de deux ans pour le garantir. Le réseau serait alors à disposition – du moins le croyions-nous –.

Janhavi Dave

Nous avons invité Chris à nous rejoindre en raison du rôle de WIEGO dans le déclenchement et l’accompagnement de réseaux internationaux. Chris avait participé, d’ailleurs, à la création de la Fédération internationale des travailleuses domestiques. En tant qu’organisation indépendante, WIEGO joue un rôle particulier : faire en sorte que notre organisation reste équilibrée et démocratique. Nous en dépendons vraiment. WIEGO a ainsi joué un premier rôle tout au long du processus de gestation, et continue de le faire encore aujourd’hui.

Quels sont les objectifs de HomeNet International ?

Chris Bonner

Au fur et à mesure que les capitaux se mondialisent, les travailleuse·eur·s doivent également avoir une présence sur la scène mondiale. Les objectifs du réseau sont multiples : construire des liens de solidarité ; partager des connaissances et des informations ; aborder les questions relatives aux travailleuse·eur·s à l'échelle mondiale ; faire entendre leur voix dans des instances telles que l'Organisation internationale du travail, les représentant ainsi à l'échelle mondiale ; et soutenir tant les régions que les organisations affiliées à HomeNet International. Ce réseau international ne remplace pas le rôle des réseaux régionaux, mais renforce plutôt leurs capacités.

Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de la mise en place du réseau ?

Chris Bonner

Il y a eu de nombreux défis. On disposait d’une base incertaine à cause de la nature même du travail à domicile, dispersée et occulte dans la maison. Il existe par ailleurs différents types de travailleuse·eur·s à domicile : quelques un·e·s travaillent à la pièce, dans la sous-traitance pour des employeuse·eur·s parfois occultes ; et puis il y en a qui travaillent en qualité d’indépendant·e·s. Et donc des types différents d'organisation en résultent.

La grande question dès le début fut donc de travailler avec différents types d'organisations et avec des travailleuse·eur·s à domicile qui, pour la plupart, ne se considèrent pas comme des travailleuse·eur·s ou ne sont pas considéré·e·s comme tel·le·s. Les syndicats ne les reconnaissent pas comme des travailleuse·eur·s non plus, surtout si ellles·ils s’organisent en coopératives ou en sociétés de production. C'est pourquoi la notion de s’organiser semble parfois un peu étrange pour ces travailleuse·eur·s.

Des grandes différences persistent d’ailleurs. Par exemple, les chapitres de HomeNet de l’Asie du Sud et de l’Asie du Sud-Est, tous les deux établis depuis des années, ont vu leur nombre d’adhérent·e·s grandir de façon divergente ; le premier en possède beaucoup plus. Concernant l'Amérique latine, les organisations sont très réduites et très peu étaient inclinées à nous rejoindre. En Afrique, où la notion de travail à domicile n’est pas vraiment établie, notre travail a consisté à mettre en lien des petits groupes par le biais des organisations locales de commerce équitable ; et à les accompagner de manière à construire sa conscience collective en tant que travailleuse·eur·s. Outre les différences culturelles, également immenses, il s'agit de différences importantes en termes de taille, de forme, et souvent simplement d'objectifs.

Tous ces défis ont contribué à retarder la décision de finalement rassembler des personnes autour d’un réseau mondial.

Comment la pandémie a-t-elle impacté la création de HomeNet International ?

Janhavi Dave

L’idée originale consistait à lancer le réseau HNI au Népal lors d'un congrès en octobre 2020, à l'occasion de la Journée internationale des travailleuse·eur·s à domicile. L’impossibilité de nous retrouver en personne a porté un coup majeur car il nous faut des réunions de ce type afin d’édifier des liens de solidarité. En passant par le cyberespace, d’autres défis sont apparus : de nombreuses travailleuse·eur·s n'avaient pas d'appareils et il leur en fallait parfois deux, un pour se connecter à Zoom et un deuxième pour accéder à l'interprétation via WhatsApp ; sachant que Zoom permet l'interprétation de six ou sept langues, mais nous en avions besoin de 17.

Cela dit, l’impact le plus sévère se retrouvait sur le terrain, frappant les travailleuse·eur·s à domicile. Sans activité économique pour la plupart de ces personnes pendant les confinements, elles parlaient d'une pénurie de nourriture et d’un manque de produits de première nécessité comme les masques et de l'eau pour se laver les mains. La reprise économique fait preuve d’une extrême lenteur. C’est dans ces circonstances que l’on pensait à organiser un réseau mondial, avec l’énorme difficulté de se projeter. Nous voilà en train de parler de la formation d’un réseau mondial alors qu’il manquaient les revenus et la nourriture. Nous avons bien évidement pris un peu de recul. Au lieu de nous concentrer sur le Congrès d'octobre, qui fut annulé, nous nous sommes penchées sur les opportunités d’appui solidaire et concret sur le terrain, en appuyant nos organisations affiliées.

Simultanément le nombre de demandes d’adhésion s’est accru au sein de multiples organisations populaires du fait que beaucoup de travailleuse·eur·s se sont aperçu·e·s des avantages que procurait ce type d’organisations : accès à la nourriture ou aux programmes d'aide gouvernementaux. Parmi les travailleuse·eur·s à domicile, beaucoup ont pris conscience ultérieurement des avantages de se rassembler et parler d'une seule et même voix quand il s’agit des exigences, telle que la protection sociale.

La semaine prochaine, vous découvrirez en quoi le Congrès virtuel a été un succès et ce qui attend HomeNet International.

Photo principale : une travailleuse à domicile assemble des boîtes à Tiruppur, Inde. Crédits : WIEGO

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