Partout dans le monde, beaucoup de travailleuse·eur·s de l’informel exercent au sein de collectifs qui leur permettent de renforcer leurs moyens de subsistance et leur dignité en tant que travailleuse·eur·s.
Elles·Ils choisissent de s’organiser autour des principes de coopération, de solidarité, de gestion et de gouvernance démocratiques, et trouvent dans l'économie sociale et solidaire (ESS) un moyen d’améliorer leurs revenus, leurs capacités de production, leurs conditions de travail et bien plus encore.
L’ESS englobe les coopératives et autres associations et organisations engagées dans des activités économiques, sociales et environnementales dont l’objectif principal est le bien-être des membres et de la communauté, plutôt que la recherche du profit.
En général, les travailleuse·eur·s de l’informel perçoivent des revenus plus faibles et bénéficient de moins de protections que leurs homologues du formel. Elles·Ils n’ont souvent pas accès au crédit et à d’autres ressources financières et, par définition, sont exclu·e·s, en droit ou en pratique, des protections juridiques et sociales.
Individuellement, il est difficile de surmonter ces obstacles structurels, mais grâce à la coordination et au partage des ressources et des informations, les travailleuse·eur·s parviennent collectivement à réaliser ce qui, autrement, semblerait impossible.
Dans le cadre de l’Année internationale des coopératives de l’ONU en 2025, WIEGO met en lumière les façons dont les coopératives et les organisations de l’ESS soutiennent les travailleuse·eur·s de l’informel. Sur la base des exemples de l’Association des femmes indépendantes de l’Inde (SEWA), de l’Union des travailleuse·eur·s de l’économie populaire en Argentine (UTEP) et de la Fédération des organisations de travailleuse·eur·s de l’informel du Nigeria (FIWON), ce premier article d’une série de notre blog montre comment les coopératives améliorent les capacités économiques et productives des travailleuse·eur·s en réduisant les coûts d’exploitation, en les aidant à obtenir de meilleurs prix et en mettant en place des systèmes d’épargne et d’autres services financiers.
En Inde, la banque de SEWA vise à accroître l’autosuffisance de ses membres.
Fondée en 1972 à Ahmedabad, SEWA est un syndicat national regroupant plus de 3,2 millions de travailleuses de l’informel qui gagnent leur vie grâce à leur propre travail ou dans de petites entreprises. Ses membres sont confrontées aux épreuves économiques de l’emploi informel, exacerbées par des facteurs tels que le système de castes et les rôles socialement attribués aux femmes en Inde.
La plupart des travailleuses de l’informel en Inde ne peuvent pas investir dans l’amélioration de leurs processus de production parce que les banques traditionnelles n’accordent pas de prêts aux femmes considérées comme étant en situation de pauvreté. C’est pourquoi SEWA a créé une banque coopérative en 1974, pour répondre aux besoins de ses membres. SEWA a consolidé cette démarche en faveur de l’autosuffisance.
Les services offerts par la banque de SEWA comprennent des plans ou comptes d’épargne, ainsi que des prêts structurés avec des conditions de paiement adaptées aux travailleuses de l’informel. En outre, la banque a récemment mis en place des plans d’épargne en vue de la retraite.
En Argentine, les coopératives forment des pôles de production textile qui augmentent les revenus.
Dans le secteur textile argentin, l’Union des travailleuse·eur·s de l’économie populaire (Unión de Trabajadoras y Trabajadores de la Economía Popular, UTEP) a mis en place des coopératives qui transforment progressivement la production.
L’UTEP est née du Mouvement des travailleuse·eur·s exclu·e·s (Movimiento de Trabajadores Excluidos, MTE), qui rassemble des personnes écartées du marché du travail formel. Ce mouvement a pris forme il y a plus de vingt ans, lors d’une crise financière qui a mis au chômage un cinquième de la population active de l’Argentine.
Au début, la production textile s’effectuait chez des travailleuse·eur·s de l’informel, et, au fil du temps, elle a été réorientée vers des espaces loués par les coopératives pour créer des pôles de production. Grâce à cela, les coûts d’exploitation ont considérablement baissé, puisque les travailleuse·eur·s et les petites unités de production se regroupent dans ces pôles et partagent les machines et autres équipements, ainsi que les coûts. En outre, ces coopératives facilitent l’achat en gros de matières premières, ce qui a permis de réduire les coûts pour leurs membres.
Les coopératives ont constaté que leur plus grand impact était d’amplifier le pouvoir de négociation des travailleuse·eur·s de l’industrie textile : en produisant collectivement et en vendant directement aux acheteuse·eur·s, les coopératives négocient de meilleurs prix et des revenus plus élevés pour leurs membres que lorsque la commercialisation se faisait à titre individuel.
Une coopérative au Nigeria propose à ses membres des plans d’épargne et de prêt.
Le dispositif coopératif polyvalent (Multipurpose Cooperative Scheme) de FIWON est un prolongement de la Fédération des organisations de travailleuse·eur·s de l’informel du Nigeria (Federation of Informal Workers’ Organizations of Nigeria, FIWON), une union d’associations professionnelles de l’informel créée en 2010 qui compte aujourd’hui environ 25 000 membres dans tout le pays.
La FIWON facilite à ses membres l’accès à l’assurance et leur propose des plans d’épargne et de crédit ainsi que d’autres dispositifs. Elle tient des antennes dans les États de Lagos et d’Osun.
Il existe un système d’épargne et de crédit solidaire qui offre aux membres une certaine souplesse dans les paiements tout en encourageant une utilisation responsable des ressources.
Bien qu’il existe plusieurs modèles de systèmes solidaires d’épargne et de crédit, la solution la plus fréquemment préconisée consiste à fixer un montant minimum d’épargne, versé mensuellement ou ajusté en fonction des flux économiques des unités de production des membres. Ce modèle présente l’avantage de promouvoir une culture de l’épargne et une gestion financière planifiée, et de permettre ainsi aux gestionnaires du système de prévoir la disponibilité de fonds pour accorder des prêts et garantir la liquidité.
* Dans le prochain article de cette série du blog, nous analyserons comment les coopératives améliorent les conditions de travail et l’accès à la protection sociale.